COSMOS Iconologie

La Vénus très nue et point pudique (serait-elle Vénus sinon ?) est, contrairement à ce que prétendait l’Arétin à son ami le Titien, impropre à exciter nos sens. Arétin bandait en paroles. Les Vénus même du Titien restent littéralement impénétrables. Le rêve sans fond du Titien, la Salomé portant sur un plat d’argent la tête magnifique du saint…

La Madone de Mantegna, au rêve sans mots, la joue contre la tête de son bébé qui dort avec les paupières gonflées des tout-petits et leur moue adorable, comme la Mère fuyant en Egypte qui s’endort sur l’enfant pendant que l’éphèbe ailé Caravage joue du violon, sont d’extraordinaires figures du silence. Le spectateur quelquefois s’énerve, il pense qu’il ferait bon voir un film d’action.

Même les emmaillotés dans les céramiques de Della Robbia que l’on voit entre les arcs de l’Ospedale des Innocents, ne sont pas des représentations de bébés, mais des présentations. Dans le sourire ou les petits bras sortant des langes, un jésus est quand même un mystère de bébé.

On pourra en dire autant des grasses filles rousses de Renoir, miroitant leur corps insu, et cette jeune dame debout sur sa balançoire arrêtée et ce monsieur tenant son verre immobile, qui arrêtent même le mouvement des petits ronds de lumière sous bois.

Dieux et madones tendent à se figer, quelque chose nous avertit que le mouvement ne leur est pas essentiel. Soit allégorie, figure parlante, qui dit quelque chose de plus banal que le tableau, lequel peut être précieux et recherché. Soit icône. Une Athéna immobile peut comme une madone, un Apollon ou un Jean-Baptiste, se poser devant moi dans une éternité. Ce n’est pas seulement le mouvement qui leur est ôté, c’est le verbe. De préférence on les fait statues.

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