Anges et angelots

Pendant des siècles, on n'a pu faire un tableau à sujet religieux sans mettre dans le ciel des anges ou surtout des angelots. Je ne crois pas que c'était par goût de peindre des bambins, mais d'abord comme une sorte de panneau indicateur pour dire : ceci est une scène sacrée, le ciel en est témoin.

Je vais commencer par l'exception : angelots au bas du tableau.

Rosso Fiorentino

en 1518, s'intéresse aux angelots non pas volants mais assis en bas d'une Madone.

On ne peut omettre, dans le même registre, les deux angelots qui lèvent les yeux vers la Madone Sixtine.

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Lorenzo Lotto

Pala San Bernardino

plaisir de voler en apesanteur...

Lotto encore et très différent

Pour une Madone du Rosaire, il imagine des angelots balançant des quantités de pétales de rose, comme on faisait naguère encore dans les processions à la campagne. Rosaire vient de rose...

Bronzino

Dans cette Allégorie du Bonheur, qui n'est pas un sujet religieux, le célèbre maniériste s'amuse avec l'idée commune chez les théologiens, qu'on ne connaît pas le sexe des anges !

Mais au-dessus de la Déploration sur le Christ mort, sujet très fréquent chez les peintres de cette époque, il doit bien faire voler des angelots, et ceux-ci sont très mignons. Comme pour neutraliser la tristesse du sujet, ils jouent avec les "instruments" de la Passion : colonne de la Flagellation, Croix, lance et éponge qu'un soldat tendit vers le crucifié.

Cette impassibilité est théologiquement fondamentale : désormais Jésus (et tout ce qui se rapporte à lui) est passé dans le registre éternel.

Carlo Crivelli

au contraire, animait de compassion deux petits anges qui flanquent et soutiennent l'Homme de Douleur. On peut appeler cela une "Pietà aux anges". Le fond d'or se rattache à la peinture gothique, alors que Crivelli est contemporain de Mantegna, fin du Quattrocento.

Mantegna

Ici le sujet est "mythologique", puisqu'il s'agit de la déesse Minerve (Athéna) chassant le vices. Il est clair que cette déesse accomplit une tâche sacrée. Ce qui est plaisant, c'est que les angelots chasseurs ont des ailes de libellules.

Comme je procède en dépit de l'ordre chronologique, j'en arrive au plus grand peintre italien mort en 1610

Caravaggio

Il faut se rappeler que le deuxième Michelangelo (Merisi) ne peignit quasiment que des tableaux à sujet sacré.

Trois tableaux font figurer dans la partie céleste, très proches et presque mêlés à l'action terrestre, de jeunes anges particulièrement attirants.

Les Sept Oeuvres de Miséricorde sont traditionnellement une réalisation des Béatitudes prononcées par Jésus dans le fameux Sermon sur la Montagne. Elles sont bénies par un merveilleux assemblage d'êtres célestes : Marie portant un Jésus blond, et deux anges adolescents qui s'enlacent et se penchent, si fortement attirés par les hommes pieux que l'un d'eux tend la main pour le cas où ils tomberaient.

Dans la chapelle chapelle Contarelli de l'église Saint-Louis-des-Français de Rome,consacrée à Saint Matthieu, il représenta l'évangéliste très maladroit et grossier, selon une bizarre tradition, écrivant sous la dictée d'un ange adolescent. Celui-ci, en faisant le geste des doigts qui signifiait "argumenter", en vol stationnaire, est entouré d'un tourbillon de son linge... Pour une fois un ange n'est pas nu.

Comme dans le tableau précédent, la composition géométrique est prodigieuse, inspirée, très picturale.

Matthieu finit martyr, assassiné pendant qu'il disait la messe. Au-dessus de lui, un ange très jeune lui tend la palme du martyre. Lui aussi est près de plonger chez les hommes.