COSMOS Iconologie

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Contemple avec le chat

 

 

 

Y a-t-il, mon ami Roger, un devoir de poésie ? Sauver des choses avant la catastrophe, dans quelque arche de Noé ? Je suis assis sur une marche de calcaire blond, matin aux effluves de thym cèdre petites immortelles, un chat s'est réveillé tandis que je montais à ce jardin, étiré, baillé, il m'accompagne se frotte la joue à mon stylo. Moi aussi je vous aime, chats, j'aime que tu sois si content d'être chat, que tu aimes ton corps. Il se vautre se tortille sur l'espace suffisant deux pierres plates et un petit plant odorant, se lèche, se retourne, décline la paresse sublime. Les chats sont des félins qui ont abdiqué jungle et poursuite et choisi la volupté, comme savoir rester toute une après-midi sur un toit entre deux tuiles tièdes. Allons, l'arche de Noé ne s'embarrasse pas de quelque écrit fiévreux, elle emportera un couple de chats. L'absence de morale du chat, sa capacité de plaisir, de réduire les humains en esclavage, le bizarre amour qu'il suscite et qu'il donne, réveillent en nous autres une vertu que notre civilité avait enfouie; voilà pour l'heure la chose précieuse à consigner. Le devoir de poésie, si l'on ose accoupler ces deux noms, c'est d'accueillir ce que les sensations apportent, y être attentif, et puis vagabonder.

 

Un tas de cailloux un tas de bûches, l'un en plein soleil l'autre à l'ombre du cèdre et s'appuyant sur son tronc, ces choses sont-elles mortes et dépourvues de dessein plus que le reste du monde autour de moi jusqu'aux plus lointaines collines ? Trois dalles, un triangle de sable enfoui sous les aiguilles du cèdre, ce brin de thym qui profite de leurs nutriments, le chat en fait choix pour cinq minutes de plaisir, et moi dans ma demeure entourée, promenant des regards silencieux. Milliers d'êtres qu'on peut ignorer ou élire à la surface de la planète, nos pas inattentifs les foulent, nous allons soucieux de quelque but, notre tête seule se déplace ou s'arrête dans le monde que l'on dit extérieur. Pourtant la peau au soleil, les fesses sur la pierre, les yeux en petite mobilité, le voisin chat, la pensée qui se coule dans la main à stylo, tout nous immerge, nous captive, nous pénètre. Milieu.

 

Une tige sortie horizontale du talus porte comme une lampe la fleur d'un iris blanc, j'écris son nom et sa senteur se glisse jusqu'à moi. Blancheur éclatante, somptuosité des six pétales entrecroisés. Je n'irai pas le cueillir, je ne prends plus de photos, vaine est toute collection. Il a droit à sa pente touffue d'herbage sombre et  de fleurettes sans éclat, dont le bas retenu par des pierres a engendré cet iris, qu'il tend comme l'offrande d'un exemplaire unique.

 

Je me déplace parce que le soleil me tape sur le crâne, je m'appuie au tronc du cèdre, le chat m'a suivi, quelques miaulements les doux poils de sa nuque contre mon pied nu. Lève ses yeux verts, pose ses pieds sur mon genou, la tête entre mes yeux et mon carnet il participe au devoir de poésie. Il porte en lui toute la bienveillance de la nature et me l'offre. Il s'est allongé sur le flanc, prêt à tout, tandis que je suis tout à la fleur d'iris : elle vient d'être un instant pénétrée d'une lumière rose. Elle a devant elle une autre fleur fanée, chiffonnage de petits drapés couleur d'ocre, sait-elle que tel sera son devenir ? 

 

 

 

 

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11/11/2016
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