Aristide Maillol
Ici gisent par syzygie et quadrature les os rapatriés d’Aristide Maillol
à la métairie de brique, au bout d’un vallon touffu de micocouliers
qu’on trouve en sortant de Banyuls.
Lorsqu‘il mourut j’avais dix ans. La forte Dina l’ukrainienne en avait vingt peut-être
et venait chaque jour en short portant les commissions.
Puis longuement elle se taisait toute nue,
elle devenait une petite maillol.
Les certitudes de chair sont mouvantes fugaces. La pose infligée au modèle ligote aussi l’artiste. Pendant des heures il la dessine ou l’esquisse en argile. La chaleur catalane mûrit la pensée dans sa tête.
Puis il lui faudra, seul dans l’atelier glaiseux, chercher le secret de la tension, de la torsion, la solution la plus simple de chaque problème, pour réveiller l’harmonie latente entrevue ce matin.
Jusqu’à l’offrir enfin plus silencieuse encore à la méditation des vrais amants.
Ses femmes sources ses femmes vagues, celle qui marche dans l’eau en forçant sur ses jambes fermes équilibrées et stables. Comme il a su observer ses muscles...
Le Mont de Vénus son coussin de boucles son triangle bombé au centre du monde, les cuisses tendres qui laissent entrevoir - et par indulgence le plus souvent nous cachent - ces chairs, bouleversants polypes, nacres et sinuants mollusques de mer, fragilités trompeuses à l’égal des lèvres de bouche, en vérité puissance innée d’étreindre aspirer engloutir le lait de la mère et celui de l’homme, un seul a su Maillol l’indiquer dans le bronze le plus clos, du doigt marquant à peine un sillon qui n’ouvrait rien - la statue est plus close que la fille qui posait le matin en chantant et qu’il se gardait bien d’émouvoir et de fouir.
Car la Terre peut se remettre du viol de la charrue, mais en fracassant pour voir le secret les fonds océaniques et les noyaux des atomes, l’homme a béantes ouvertes les portes de la mort.
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